Revue Rose-Croix – Printemps 2021
 Sommaire

  • Voyage au cœur du symbolisme, par P. Brafine
  • L’urgence des temps : un besoin de spiritualité, par E. Marchetti
  • La Shekinah, ou la force du Monde perdu, 2e partie, par T. Guinot
  • Le château de Puivert, ou chanter l’invisible, par A. Benlolo

Voyage au cœur du symbolisme

Article sélectionné dans ce numéro : N° 277 : Printemps 2021

« Les symboles, qu’ils soient naturels, artificiels ou mystiques, ont pour but de représenter un concept qui, selon le cas, est d’ordre pratique ou philosophique. » C’est en ces termes que s’exprimait, il y a quelques siècles, un des anciens Maîtres de la Fraternité rosicrucienne. Sur le plan étymologique, le mot symbole vient du latin symbolus, lui-même dérivé du grec ancien sumbolon. Il s’agissait en fait, d’un signe de reconnaissance, d’un insigne ou d’un emblème qui permettait de traduire une idée ou un concept.

Au Moyen Âge, Isidore de Séville (560-636) disait du symbole :

« C’est un signe donnant accès à une connaissance ! » Le symbole est donc parlant, et de nos jours il envahit notre quotidien. Il est tellement parlant que dans certains cas, on va lui substituer le mot logo, abréviation du mot logotype dont la racine grecque est logos, et qui n’est autre qu’une composition figurée servant à représenter une marque, une association, une institution ou une entreprise. C’est le cas des nombreuses images publicitaires pouvant être vues sur des affiches ou des devantures de magasins. Notons toutefois qu’une même image-symbole peut avoir des significations différentes.

La coquille Saint-Jacques, par exemple, qui fut le symbole de reconnaissance des pèlerins sur la route de Compostelle, fut aussi le symbole d’une des plus grandes marques de carburant, tout simple- ment parce qu’à l’origine, son pétrole était du pétrole dit offshore, c’est-à-dire extrait du fond des océans. Dans d’autres cas, le symbole deviendra un emblème, un blason ou une armoirie. Tel fut le cas, par exemple, pour le surintendant de Louis XIV, Nicolas Fouquet, qui utilisa l’écureuil comme emblème. Dans ce cas de figure, le choix de cet animal qui gravit avec une extrême agilité les troncs d’arbre, évoquait aisément les subtiles manœuvres qu’il employa, pour s’élever depuis la base jusqu’au sommet de l’État.

Dans cette logique, le symbole peut être comparé au « signifiant » de la linguistique, en d’autres termes « cela signifie que… ». Mais alors, la question que nous devrions nous poser est la suivante : qu’est-ce qui pousse l’homme à avoir systématiquement recours à des symboles de tous ordres, et ce, depuis des temps immémoriaux ? La réponse pourrait être celle de Napoléon : « Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours ! » Dans les faits et plus simplement, parce que l’homme est capable de penser et de former des images mentales.

Ainsi, un symbole qu’il soit naturel, artificiel ou mystique, avant d’être matérialisé par le crayon, sur une feuille, passe par l’intermédiaire de la pensée humaine qui n’est rien d’autre qu’une manifestation de la conscience, elle-même n’étant qu’un attribut de l’âme. Grâce à ce fragment divin qu’est l’âme, l’homme possède cette faculté innée qu’est l’imagination et son corollaire, la création mentale.

Les hommes ont toujours, et de tout temps, aimé s’entourer de symboles, que ce soit au travers d’un signe, d’un objet, parfois d’une personne et le plus souvent d’un dessin ou d’une image. Aujourd’hui, on admet volontiers que la pensée symbolique qui a accompagné le processus d’hominisation a joué un rôle beaucoup plus important chez l’homme préhistorique et chez les peuples anciens que chez l’homme moderne. Les nombreux récits mythologiques, à travers le monde, où l’ordre du monde s’intègre dans un système de correspondances symboliques d’une richesse extraordinaire, en sont de vivants exemples.

Les symboles naturels ont largement été utilisés par tous les peuples depuis l’enfance de l’humanité, soit pour se protéger, soit pour reconnaître son appartenance à un groupe, ou encore pour affirmer sa domination. Tel fut le cas de l’aigle des légions romaines. On ne pouvait d’ailleurs trouver meilleur symbole pour représenter la puissance conquérante d’une simple cité-état qui s’étendit jusqu’à devenir un vaste empire. On imagine aisément le pouvoir que conférait un tel symbole prédateur, qui galvanisait les légions, mais également, face à elles, au niveau de l’adversaire, la crainte et le respect que cela pouvait susciter.

Les symboles artificiels, quant à eux, sont l’œuvre de l’esprit humain. Tel est le cas de l’écriture, qu’elle qu’en soit la langue, puisque les lettres et les mots vont matérialiser une idée force ou un son. La méthode syllabique, lors de l’apprentissage de la lecture chez le jeune enfant, en est une illustration.

Sur le plan psychologique, la pensée symbolique joue un rôle important dans le développement du langage. Le célèbre biologiste et psychologue Jean Piaget a insisté, en son temps, sur cette période de 2 à 7 ans, chez l’enfant, où se développe la fonction symbolique ou sémiotique, fonction consistant à évoquer, par son symbole, la représentation d’une personne, d’un objet, ou d’un événement absent. Par la suite, l’enfant pourra, au fur et à mesure, devenir apte à raisonner sur des concepts abstraits, les progrès futurs étant assurés par l’apport de symbolismes nouveaux.

Pour la psychanalyse et la psychologie des profondeurs, les images-symboles issues de la pensée ou des rêves vont avoir une valeur importante, en ce sens qu’elles constituent, comme le dit le philosophe français Gaston Bachelard, l’instance première de la pensée qui va pouvoir créer, modeler, déformer et animer ces images, en un mot, leur donner vie. Selon Bachelard, ce processus obéit à une grammaire, qui est celle de l’imaginaire.

L’imaginaire, quant à lui, peut être défini comme étant le fruit de l’imagination d’un individu, d’un groupe d’individus, ou d’une société produisant des images, des représentations, des récits, voire des mythes. L’imaginaire devient alors, un vaste réservoir de moyens et de productions que sont les images, les symboles et les mythes.

Pour Carl Gustav Jung, les imaginaires personnels s’enracinent dans un terreau commun qu’est l’inconscient collectif, lui-même structuré par des archétypes qui sont des modèles primitifs et originaux d’une chose. Ces archétypes vont donc représenter des thèmes récurrents que l’on retrouve non seulement dans les rêves, mais également et plus particulièrement dans les mythes et les contes.

Les contes, par exemple, commencent toujours par une formule symbolique que l’on pourrait presque qualifier de magique, en ce sens que, lorsque le récit débute par la phrase bien connue « il était une fois… », on constate qu’elle possède le pouvoir de transporter celui ou celle qui l’écoute dans un temps avant le temps, un temps où tout semble idéal. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les yeux de l’enfant qui écoute le récit, pour constater qu’il n’est, momentanément, plus présent dans le « ici et maintenant », mais qu’il se trouve instantanément transporté vers des niveaux de conscience où le réel et le fantastique se côtoient, se confondent et cohabitent sans conflit pour le raisonnement, un temps dans lequel règnerait pureté, simplicité, idéalisme et vérité. L’imaginaire possède donc ses propres lois et ses pouvoirs fascinants.

Dans cette vision des choses, et face à la valeur et la puissance propre à l’image, Jung fera de celle-ci un instrument thérapeutique visant à accéder au soi en prenant conscience des exigences archétypales. L’imaginaire pourra ainsi être perçu comme principe révélateur des traits majeurs de la personnalité et, dans cet ordre d’idée, l’imagination et la rêverie pourront être porteurs d’une énergie morale et d’un art de vivre, en ce sens qu’ils apparaîtront comme des principes organisateurs de la conduite humaine, et pourront également dans certains cas, posséder le pouvoir d’initiation pour l’âme.

Ces principes que nous venons de voir étaient déjà connus des très hauts Initiés, avant le temps, à une époque très lointaine, très reculée, avant même que le temps ne soit ce que nous connaissons maintenant, un temps que certains auteurs appellent « le temps des Dieux ». En effet, les Initiés de la Tradition des traditions codifièrent sous forme de symboles immuables et sacrés, et sous forme de mythes, tous les principes organisateurs de la conduite morale et spirituelle de l’humanité, de manière à transmettre à l’homme, sur le plan individuel et collectif les moyens d’être guidé pour quitter son humanimalité et accéder, enfin, à une humanité digne de ce nom.

Les symboles qu’ils créèrent étaient des symboles mystiques, capables de véhiculer des lois et des principes propres à aider l’homme dans son évolution spirituelle. Les symboles mystiques vont donc s’adresser à l’âme. Ils sont le langage de l’âme, le silencieux langage de Dieu pour communiquer avec l’être incarné et l’aider. Ainsi, d’une manière générale, le symbole sera une révélation du Divin pour celui qui sait le déchiffrer ! Nous pouvons déduire de ce constat que tous les symboles mystiques ont par conséquent une importante fonction initiatique.

À la lumière de la compréhension du symbolisme mystique, on peut déjà entrevoir une meilleure approche de la signification et de l’origine de la mythologie. Sur le plan étymologique, le mot « mythe » provient de la racine latine « mutus » qui veut dire muet ou silencieux. Cela a trait à des choses du domaine transcendant qui sont inexprimables sur le plan humain, sauf par le truchement d’un symbole. La mythologie va donc nous permettre d’objectiver ce qu’a été la pensée ancienne. Elle n’a rien d’insensé ni d’irrationnel lorsque son mode d’expression, par le langage des signes, est complètement compris. La mythologie est, en elle-même, le dépôt de la science humaine la plus ancienne.

Ses fables n’étaient qu’un moyen de présenter des faits, mais n’étaient en aucun cas ni des fourberies, ni des fictions. Ses légendes constituent, pour nous, des vérités qui sont de la plus haute importance, et renferment une connaissance secrète.

À titre d’exemple, lorsque les Égyptiens représentaient la Lune par un chat, ils n’étaient certes ni ignorants ni suffisamment stupides au point de supposer que la Lune fût un chat. Ils avaient tout simplement observé que le chat voyait dans l’obscurité et qu’à ce moment-là, les yeux du chat devenaient des ronds parfaits similaires à la pleine lune et luisaient davantage. La Lune devenait alors la voyante de la nuit, dans le ciel, et le chat, son équivalent sur terre ! C’est de cette manière que le chat domestique devint l’emblème naturel et la vivante reproduction terrestre du globe lunaire.

Cet exemple illustre le fait que, d’une manière générale et quel que soit le peuple, pour être interprété plus ou moins correctement, le symbolisme mystique devrait être lu en fonction des us et coutumes du pays en question, ainsi que de l’époque où il fut utilisé. Pour les mêmes raisons, dans les Ordres ésotériques authentiques, en particulier dans l’A.M.O.R.C., nombre de symboles ou d’emblèmes ne devraient jamais être exposés aux yeux du profane, car ce qui peut être considéré comme sacré pour le Rosicrucien ne sera pas interprété de la même manière par un regard étranger à cette Tradition. A contrario, il risque d’être vu comme quelque chose de ridicule, et de ce fait, notre interlocuteur pourrait d’emblée devenir un redoutable adversaire, tout simplement parce qu’il aura interprété le symbole selon ses propres références qui peuvent être très éloignées du côté spirituel.

C’est là l’une des raisons du secret dans certaines traditions ésotériques, c’est-à-dire, l’une des raisons pour lesquelles un symbole ne peut être révélé au non initié, ne fût-ce qu’un initié n’ayant pas encore atteint le degré voulu. C’est ainsi que, par exemple, le profane verra inévitablement, dans la croix de la Rose-Croix, un symbole religieux, chrétien, tout simplement parce que c’est son référentiel ! Ces symboles de la Tradition primordiale furent ainsi transmis d’Écoles de Mystères en Écoles de Mystères, puis par le courant ésotérique des Ordres Initiatiques authentiques.

L’homme incarné, dans son état actuel, a progressivement évolué dans l’oubli total qu’il possède, et caché en lui ce qu’il y a de plus précieux : la divinité. Alors il va s’enfoncer et s’enraciner progressivement dans le matériel. Grâce à son ego tout puissant, devenu son unique divinité tutélaire, il se sentira tellement fort qu’il ira jusqu’à mettre en doute l’existence de Dieu, voire même à le nier totale- ment. Devant une telle négation, et devant l’attitude générale de l’être humain, on peut comprendre la Sagesse des Initiés qui, depuis des temps insondables, avaient pris soin de voiler par des symboles mystiques l’enseignement des grandes vérités, ainsi que les rituels et les initiations qui donnent accès à la prise de conscience ; la Connaissance ne pouvant être révélée qu’à ceux qui étaient non seulement prêts, mais également jugés dignes d’en recevoir les perles, puisque selon le vieil adage : « Les lèvres de la Sagesse doivent rester muettes aux oreilles de l’ignorant ! » 

Même Jésus, au grand étonnement de certains de ses disciples, n’enseignait à la foule qu’en parabole, laquelle est un système métaphorique permettant de faire passer un certain degré de connaissance, et même de cette façon il n’était pas toujours compris. Il en va de même pour les écrits sacrés. De précieux renseignements demeurent voilés aux yeux du profane non initié. Des récits voilés sous forme d’histoires, presque enfantines par moment, mais également de précieuses données concernant ce que l’on pourrait appeler le temps avant le temps, ce que d’autres appellent le temps des Dieux, période souvent illustrée par des récits mythologiques incompréhensibles et presque du domaine de la légende. Tel est le cas pour certains détails que l’on peut trouver dans le récit de la Genèse ou dans le Ramayana.

Par ailleurs, les symboles écrits peuvent aussi représenter des symboles mystiques. C’est le cas pour les sons vocaux ou mantras. Le son « OM » par exemple, qu’il soit écrit dans l’alphabet européen ou en sanscrit, évoque le sacré, et bien au-delà. Les mantras, comme tout autre mot du même genre, possèdent un pouvoir qui réside dans le fait que ce sont des symboles utilisés pour exprimer ou transmettre des effets, des idées, ou des émotions. Ils sont, par conséquent, des formulations de la conscience de l’individu et de son environnement. Ainsi, chaque son vocal possède certains effets et une signification particulière. Grâce à eux, l’homme peut mettre de l’ordre dans certains aspects de ses expériences durant sa vie.

Dans un tout autre ordre d’idées, les Gentils de Palestine avaient coutume de placer dans l’Adytum de leurs temples, un sarcophage ou une tombe dans lequel se trouvait le Dieu solaire à qui le temple était consacré. Ils le tenaient en grande vénération, car ils le considéraient, dans sa signification ésotérique, comme le symbole de la résurrection cosmique solaire, ou diurne et humaine. En effet, le Soleil était pour eux le symbole le plus poétique et le plus grandiose des cycles de naissance et de renaissance dans le ciel, et l’homme, pour les mêmes raisons, devenait son équivalent terrestre.

Dans le cas des Lévites, il n’y avait ni sarcophage, ni Dieu, mais uniquement l’Arche d’Alliance, symbole de la présence divine dans le Temple. L’Arche en elle-même était l’emblème de la faculté génératrice de la Nature, dans lequel on supposait que résidait, à l’état latent, le germe de toute vie. Il n’y avait donc pas de sarcophage, symbole de la Matrice ou de la Nature, mais on pouvait, dans le même sens, y retrouver le symbole de la résurrection.

Dans d’autres temples, la construction de l’Arche était encore rendue plus réaliste pour évoquer la résurrection. On plaçait, à cet effet, sur le coffre de l’Union, deux Chérubins placés face à face, et dont les ailes déployées formaient un parfait Yoni, comme en Inde, pour rappeler la Matrice. La signification de ce symbole était aussi accentuée par la présence, au-dessus de l’Arche, des quatre lettres du Tétragramme divin : Yod Hé Vav Hé, servant de principe masculin fécondant la Matrice. Vu sous cet angle, l’Arche conservait toute sa signification, tout comme l’Arche de Noé dans lequel étaient conservés les germes de toutes choses vivantes nécessaires au repeuplement de la Terre. L’Arche symbolisait ainsi la survivance de la vie et la suprématie de l’Esprit divin sur la matière.

Éclairés par ce symbolisme, nous pouvons maintenant commencer à entrevoir la vraie et authentique signification de la Chambre du Roi de la Grande Pyramide de Gizeh, qui n’a jamais été, par la présence de son sarcophage, un tombeau pour un quelconque pharaon, mais bel et bien un Sanctuaire Suprême, le Saint des Saints, l’Adytum, de tous les Temples de l’Égypte antique.

À l’époque des Écoles de Mystères, lors des Initiations, le Candidat symbolisait alors le Dieu Solaire qui devait descendre dans le Sarcophage et représenter le rayon vivifiant, pénétrant dans la Matrice féconde de la Nature. Lorsqu’il émergeait du Sarcophage, le lendemain matin, il symbolisait la résurrection de la Vie, après ce changement que l’on appelle la Mort. Dans les Grands Mystères, la mort figurée du Candidat durait deux jours jusqu’au moment où, le matin du troisième jour, le Postulant, tout comme le Soleil, se levait après une dernière nuit remplie des plus cruelles épreuves. Une résurrection au troisième jour qui n’est pas sans rappeler la fête de Pâques dans les Mystères chrétiens, avec la mort et la mise au tombeau de Jésus. Le Sarcophage représentait donc le principe féminin, la Mère Universelle, la Mère de toute existence qui devait nourrir et donner naissance au germe de Vie.

Dans d’autres régions, le rite servant à symboliser la résurrection de la vie après la mort était appelé le « Rite de passage par la peau ». On utilisait à cet effet la peau écorchée d’un animal fraîchement tué, car on supposait qu’elle conservait en elles toutes les forces vitales dont s’imbibait celui qui la revêtait. Ce rite appartenait au culte solaire et symbolisait de cette manière le retour quotidien du soleil couchant dans le sein de sa mère, où il reprenait des forces nouvelles, pour une naissance en pleine splendeur, le lendemain. Ce rituel devint par la suite de plus en plus symbolique, et la peau fut remplacée par le linceul dont la signification de nos jours a été oubliée.

La Mère de toute existence est également symbolisée dans l’église latine par la Vierge Marie, représentée parfois debout sur un croissant de lune, et parfois même sur un globe.

La forme du croissant de lune représente alors tous les symboles communs du Vaisseau de la Vie, tels que l’Arche de Noé, le Yoni des Hindous, et l’Arche d’Alliance des Juifs. Ces différents symboles ne sont rien d’autre que la représentation du symbole féminin de l’universelle « Mère des Dieux » dont on retrouve la représentation dans toutes les églises sous la forme de la « nef ».

De même, on peut retrouver ce symbole de vie et de fécondité dans la Divine Tétraktys de Pythagore. Dans celle-ci, la première décade numérique est contenue dans les quatre premiers nombres (1, 2, 3, 4) que l’on pourrait assimiler au Tétragramme divin Yod Hé Vav Hé, et dont l’addition théosophique donne le chiffre 10 représenté par un pilier et un cercle (I O). Le pilier et le cercle symbolisait chez les Juifs le Jéhovah mâle et femelle. En plaçant notre réflexion au niveau macrocosmique, on peut remarquer que c’est exactement ce qui s’est produit, au commencement des temps, à l’origine de la Création.

Le Dieu unique appelé Tem ou Atoum, le Dieu des millions d’années, l’Ancien des jours, l’Aïn Soph des Kabbalistes, la Raison de toutes choses, va manifester sa force créatrice au moyen de son Verbe-Râ, dont la forme visible est le Soleil. C’est ce Dieu-Verbe qui va pénétrer dans le Noun, l’océan primordial, la promatière qui contient, à l’état latent, les forces de la Nature, ainsi que les germes de toutes les manifestations différenciées. Cet acte générera la formidable explosion à l’origine de la vie et de la création de l’univers. Cet épisode va se retrouver dans toutes les cosmogonies et dans tous les textes sacrés.

Ce symbolisme omniprésent vient tout simplement rappeler que pour former toute combinaison vitale, il fallait imiter le prototype, la division première de l’Unité du Démiurge qui constitua la première manifestation de la vie. Il fallait que les principes opposés s’unissent, pour manifester le Un du départ primordial, cette union indissoluble traduite, dans la cosmogonie héliopolitainne, par l’Union de la déesse Isis et du dieu Osiris, pour engendrer Horus, le fils. Cette nouvelle unité, le fils, complète le binaire, en l’amenant de l’état d’abstraction à l’état de réalisation. Ainsi, de l’Unité naît le binaire, et du binaire naît le ternaire, qui est la triade typique à la base de toutes les religions sous des formes plus ou moins mystérieuses et voilées.

L’examen de tout ce symbolisme montre à quel point l’interprétation d’un symbole ne peut être laissée à des conclusions hâtives. C’est pourquoi les scientifiques et les archéologues ne connaîtront jamais la Vérité tant qu’ils continueront à voir les choses uniquement avec les yeux de la raison objective et non avec ceux de l’âme. En effet, lorsque les premiers explorateurs découvrirent le Sphinx et les Pyramides du plateau de Gizeh, ils se retrouvèrent face à un symbole mystique antique, plusieurs fois millénaire, dont la raison d’être et la signification était et demeure toujours un total défi pour la pensée et la raison humaine actuelle ; un véritable défi pour l’homme actuel, tant par sa taille, ses mesures mathématiques précises et son orientation astronomique. Une telle précision n’aurait jamais pu être atteinte par aucune nation avant l’avènement de la technologie moderne. Par conséquent, il semble hors de question de penser que la Pyramide fût construite par les Égyptiens eux-mêmes. Elle n’est qu’un apport civilisationnel. Il en est de même pour les Pyramides précolombiennes de Teotihuacan au Mexique, et celles de la presqu’île du Yucatan.

Notre réflexion sur le symbolisme va maintenant nous amener à dépasser de loin les limites actuelles de la psychologie et de la psychanalyse. Le symbole, élément de base de l’imaginaire, nourrit cet imaginaire. Mais pour la psychanalyse et toutes les autres sciences qui s’y rattachent, l’imaginaire ne reste qu’au statut d’imaginaire dans l’inconscient collectif et rien d’autre. Cela est certainement dû au fait que tout doit être ramené à une rationalité. En ce sens, comprendre l’imaginaire est un fait déjà intégré, mais aller au-delà, en utilisant les lois spirituelles, pour comprendre ce qui s’y passe, demande de dépasser la pensée actuelle, maintenue encore dans l’étroit carcan de la rationalité. Ce pas est encore impossible à franchir par le non initié aux mystères de l’être. Pourtant, dans le cadre des contes, dont nous avons parlé, on peut aisément vérifier que l’enfant a visité, en pensée, et peut-être même en projection, l’univers qui lui était conté, en s’affranchissant des barrières spatio-temporelles du présent. L’enfant utilise donc de manière instinctive les lois magiques de l’imaginaire.

Les Égyptiens, héritiers directs de la Tradition des Traditions avaient parfaitement compris les lois et la puissance de l’imaginaire. Les Initiés de l’époque considéraient, en effet, que le monde terrestre n’était que le reflet d’un monde spirituel où vivaient leurs différentes divinités. Tout ce qui se passait sur terre avait son reflet dans le monde céleste. Au Nil terrestre correspondait un Nil céleste, et Pharaon, en tant que souverain terrestre, était considéré comme successeur d’Horus, fils d’Isis et d’Osiris qui amenaient sur le plan de la manifestation, l’union du Dieu Père et Mère. La fonction de Pharaon était donc de manifester et maintenir sur Terre l’ordre universel.

Cette conception d’un monde miroir de l’autre était aussi connue d’autres civilisations, comme celle des Incas. En effet, la vallée andine dans laquelle prospérait l’empire Inca, la Vallée Sagrada, était le vivant reflet de la Voie Lactée qu’ils observaient au-dessus de leurs têtes chaque nuit. Peut-être avaient-ils reçu le même héritage antique que les Égyptiens ?

Pour terminer, nous pouvons dire qu’un symbole est réellement une entité vivante puisqu’il va, comme toute entité, posséder un corps qui est sa forme, son aspect écrit, son image et une âme qui, sur le plan psychique et spirituel, représente son but, son vrai pouvoir et sa signification qui ne peut être comprise que par les yeux de l’âme, et non ceux de l’esprit objectif, totalement ignorant sur ce plan. « La science même, est de ne rien savoir ! », disait Frère Christian Rosenkreutz. C’est dans ce même esprit que naîtront les hiéroglyphes qui vont permettre de codifier au-delà des siècles, des lois, des textes sacrés et des récits d’une rare profondeur mystique.

Bibliographie :

Prof. Philippe Seringe, Les Symboles, Éditions Hélios.

Jean-Claude Goyon, Ré, Maât et Pharaon ou le destin de l’Égypte Antique, Éditions A.C.V.

Josselyne Chourry, « Si Petit Poucet m’était conté », in Revue Rose-Croix Hiver 2016.

Enel, Les Origines de la Genèse dans l’enseignement des temples de l’ancienne Égypte, Éditions Maisonneuve et Larose.

H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, tomes 2 et 5, Éditions Adyar.