Revue Rose-Croix – Automne 2019
 Sommaire

  • L’illumination mystique,de R.Berrouët
  • Informatique et spiritualité
  • La résonance, de P.Le Moing
  • Le message des chapiteaux romans, de A.Gournet
  • Documents d’Archives de l’A.M.O.R.C. : Catalogue de publications rosicruciennes du XVIIIe siècle
  • La traversée du labyrinthe, de M.Moisan

 

L’Illumination mystique, de R.Berrouët

Article sélectionné dans ce numéro : N° 271 : Automne 2019

L’illumination, thème de prédilection dans le milieu de l’ésotérisme et des cercles « new age », a fait couler beaucoup d’encre. Il suffit, pour s’en convaincre, de procéder à une recherche sur internet à partir des mots-clés « illumination mystique ». Certains des textes ainsi disponibles sont sérieux et profonds, et méritent toute notre attention ; d’autres sont tout à fait fantasques et n’ont de réalité que dans l’imagination de leurs auteurs et de ceux qui se laissent ainsi prendre dans le filet de ces affabulateurs. En l’absence d’une connaissance ne serait-ce que de base de l’ésotérisme, il n’est pas aisé de s’y retrouver entre les deux, même si, dans ce domaine comme dans tant d’autres, notre bon sens, notre logique et notre intuition demeurent nos remparts les plus effi caces contre d’éventuels empoisonnements mentaux. Cela étant, il s’agit d’un sujet dont la compréhension est essentielle pour le mystique et à propos duquel la réfl exion n’est pas près de tarir.

Ces préliminaires étant posés, nous vous proposons de réfléchir sur ce thème à partir de trois questions fondamentales pour tout mystique : En quoi consiste l’illumination et comporte-t-elle des gradations ? Comment s’y préparer et quels en sont les signes annonciateurs ? Comment sait-on qu’on a bénéficié d’une illumination et quels en sont les effets ?

Certes, il peut paraître prétentieux de vouloir traiter un tel sujet, dans la mesure où il aurait fallu nous-mêmes au préalable en faire l’expérience. À notre décharge, les mystiques qui s’en sont approchés ou l’ont pleinement vécue nous ont laissé suffi samment d’écrits dans lesquels puiser, que ce soit dans des ouvrages sérieux de divulgation ou au sein d’organisations traditionnelles, pour nous permettre d’aborder avec confiance l’étude de ce thème. Ce sont donc les résultats de nos études, de nos recherches et de nos réflexions que nous souhaiterions partager aujourd’hui avec vous, le plus ouvertement et le plus simplement possible.

En quoi consiste l’illumination ?

Le mot lui-même implique son étroite relation avec la lumière dont il est une expression. Illumination s’entend de différentes manières, toutes complémentaires. D’abord, il s’agit selon le Littré de « l’action d’illuminer, d’éclairer » ou encore de « l’état de ce qui est illuminé, éclairé ». Nous avons donc là une dualité : pour qu’il y ait illumination, il faut à la fois une volonté d’éclairer ou tout au moins une source d’éclairage, et un réceptacle pour recevoir la lumière ainsi diffusée. Sans la présence de ces deux éléments, l’illumination n’est pas possible. Transposé à l’homme, cela veut dire que s’il désire recevoir l’illumination, il doit préparer son corps et son âme à recevoir cette Lumière supérieure et y tendre de toute la force de son être. Il s’agit donc d’un processus actif, ce qui est tout le contraire de l’attitude passive, attentiste adoptée le plus souvent avec l’espoir vain d’une possible et lointaine illumination, et pour cause, hors de portée.

Le désir doit être son moteur, sa force ; le service son attelage, son véhicule ; l’idéal à atteindre son carburant, sa motivation ; et son corps de même que son âme, son être dans sa globalité matérielle et spirituelle son terrain, sa sphère d’action. Ce ne sera que lorsque son désir, son idéal et son être ne feront plus qu’un et se fondront dans son agir impersonnel qui est service, que la Lumière divine le transpercera et inondera de son rayonnement chacune de ses cellules, faisant de lui un être nouveau, prêt à entamer une nouvelle étape, une étape plus élevée de son développement, ou mieux de compréhension et de prise de conscience.

Dans une autre acception, l’illumination consiste en une « lumière extraordinaire que Dieu répand parfois dans l’âme » ; elle se réfère également à l’inspiration et même à l’intuition. En ce sens, on constate une certaine gradation dans la perception de la lumière, allant de la forme la plus restreinte, l’intuition, à la plus large, l’illumination, en passant par l’étape intermédiaire de l’inspiration avec encore, à chacun de ces niveaux, des nuances dans l’éclat de la lumière ainsi perçue.

L’intuition

En effet, l’intuition est la première étape dans le processus de lâcher-prise destiné à permettre au Moi intérieur, expression omnisciente du divin en nous, de se substituer à l’ego limité afin de prendre le contrôle de l’être et pouvoir ainsi remplir son double rôle symbolique de dirigeant et de chef d’orchestre. Par définition, il s’agit d’une sensation, d’une conviction intérieure de penser, dire ou faire quelque chose en relation avec une problématique quelconque. Elle se manifeste généralement par une impression qui semble avoir sa source au plus profond de nous-mêmes et souvent se complète d’une sensation de chaleur au creux de l’estomac. Il arrive également, mais c’est moins fréquent, qu’elle utilise comme support les sens psychiques – contreparties spirituelles de nos sens matériels, particulièrement la vue ou l’ouïe psychiques. En général, l’usage par le Moi intérieur des sens psychiques en relation avec l’intuition – puisque celle-ci demeure un de ses moyens privilégiés d’expression – intervient dans des situations vitales ou de grande importance pour celui qui en fait l’expérience. Alors que d’habitude l’intuition peut se trouver être influencée par le mental et ne pas atteindre son but (l’éternel balancement entre « est-ce vraiment la réponse recherchée ? » ou « est-ce le fruit de mon imagination ? »), quand elle s’exprime par le moyen des sens psychiques, il s’agit d’une certitude dans la mesure où le mental ne peut plus intervenir à ce stade et bien mal avisé celui qui déciderait de passer outre, car les retombées seraient alors vraiment néfastes sur sa personne et/ou son entourage.

L’intuition étant la forme de contact la plus accessible avec le Moi intérieur, il convient de la développer très tôt chez l’individu. Plus l’expérience sera précoce et fréquente, mieux évoluera l’individu vers une prise de conscience plus étroite de sa réalité intérieure, lui ouvrant ainsi l’accès à un monde aux potentialités illimitées, celui de la Sagesse et de l’Illumination.

Bien que l’intuition puisse se manifester par elle-même en relation avec des situations les plus diverses les unes que les autres, allant de la prévention d’une situation désagréable à l’impulsion d’agir positivement dans une direction donnée, elle demeure relativement limitée dans sa portée, dans la mesure où son champ d’action se restreint à des réponses ou des suggestions se rapportant à des interrogations précises ou à des actions déterminées à réaliser, sans autres détails spécifi ques. Nous pouvons par exemple saisir intuitivement la portée d’une loi ésotérique particulière sans pouvoir pour autant en développer les tenants et les aboutissants. Pour ce faire, nous devons aller au-delà de l’intuition et faire appel à l’inspiration.

L’inspiration

L’inspiration consiste à recevoir de notre Moi intérieur, ou plus largement du Divin, la connaissance voulue en relation avec un sujet particulier dans le domaine de la Connaissance, de la science ou des arts. Dans l’ensemble, elle permet de transmettre et d’expliquer, et va en ce sens bien au-delà du simple constat de l’intuition. Dans le domaine de la Connaissance, elle permet par harmonisation avec la Conscience divine – volontaire ou involontaire – d’accéder à une compréhension plus profonde et plus haute des lois à l’oeuvre dans la Création visible et invisible. C’est ainsi que l’inspiration permet de pénétrer les lois spirituelles qui régissent l’univers, la nature et l’homme afi n d’en acquérir progressivement la maîtrise.

Au niveau scientifi que, elle facilite l’intelligence des lois universelles s’exerçant dans le monde et dans l’univers, de leurs mécanismes et de leurs interactions, contribuant ainsi à l’avancement de l’humanité. Quant aux arts, elle rend possible d’exprimer en ce monde l’harmonie et la beauté du Divin, que ce soit par le biais de l’éloquence, du chant, de la musique, de la sculpture, de la danse, de la peinture, de la poésie ou de l’écriture d’une manière générale, sans oublier l’artisanat capable de soumettre à notre contemplation des oeuvres d’une infinie beauté. À titre d’exemple, toute oeuvre inspirée, dans quelque domaine qu’elle intervienne, trouve une résonance au plus profond de notre être et nous fait vibrer à l’unisson de son créateur et du Divin dont elle procède. Que d’émotions fortes n’avons-nous pas ressenties à l’écoute d’une oeuvre musicale majeure, d’un chant mélodieux, d’une poésie déclamée avec âme, à la contemplation d’une toile de maître, ou encore à la lecture d’un texte qui, bien qu’en prose, semble receler un rythme sous-jacent qui touche directement l’âme comme s’il s’agissait d’une oeuvre poétique !

Bien que dépassant très largement l’intuition, l’inspiration a un inconvénient majeur : elle n’est pas permanente et s’applique en général exclusivement au domaine d’intervention de celui ou celle qui en bénéficie. En effet, il est rare qu’un être inspiré le demeure de manière permanente. Il connaît bien malgré lui des « passages à vide » réguliers. Cet état est courant chez les écrivains qui, après avoir composé une oeuvre digne d’intérêt, se retrouvent dans une sorte de traversée du désert avant de renouer éventuellement avec le succès. Souvent, la cause de la « disparition » de l’inspiration résulte d’un manque de compréhension du processus à l’oeuvre qui aboutit à faire preuve d’orgueil, comme si l’oeuvre ainsi rédigée émanait de soi-même et nous appartenait de ce fait, alors que l’on n’en a été que le canal d’expression. La meilleure manière de la maintenir présente est avant tout de vouloir servir, de vouloir aider, tout en faisant preuve d’humilité et de reconnaissance pour le privilège dont on bénéficie de la sorte. On devient ainsi un canal du Grand Œuvre, et tant que cette attitude sera vécue intimement et maintenue, l’inspiration se poursuivra d’une manière ou d’une autre.

Par ailleurs, il est rare qu’un être inspiré exerce son inspiration dans plusieurs champs différents, car dans une vie ordinaire nous avons difficilement plus d’un ou deux centres d’intérêt dans lesquels nous possédons un réel savoir-faire, voire une certaine maîtrise. Seuls des êtres d’exception, Adeptes avancés ou Maîtres, sont capables d’exercer leur inspiration – qui devient alors une expression de la maîtrise résultant de l’Illumination acquise – dans des domaines les plus divers les uns que les autres. Un exemple connu dans le Rosicrucianisme est celui d’Harvey Spencer Lewis. Il excellait dans quasiment tous les domaines où son immense sagesse dirigeait ses pas au gré des nécessités que sa mission hors norme requérait : le mysticisme bien sûr, mais aussi l’écriture, l’éloquence, la peinture, les sciences, la musique, la finance, la psychologie, etc. Dans l’histoire connue, il ne fut pas le seul et il ne sera certainement pas le dernier. Nombre de mystiques avancés nous ont laissé des exemples qui sont pour nous de véritables boussoles sur le Sentier de la Connaissance.

Puisque nous avons mentionné la maîtrise résultant de l’illumination et déjà défini ce dernier terme en introduction, précisons simplement que l’illumination elle-même comporte des degrés. Être illuminé, même au niveau le plus faible, ouvre définitivement l’accès à une sphère de connaissance qui culminera dans cette incarnation ou dans une prochaine avec l’acquisition de la Sagesse, expression de la maîtrise ainsi acquise ; cette maîtrise que la Tradition rosicrucienne désigne sous le nom d’« état de Rose-Croix », ou que le public connaît plus généralement sous l’appellation de « Réalisé », se référant ainsi à celui qui a « réalisé » ou « intégré » la totalité de la Sagesse qu’il est permis à un être humain incarné d’exprimer. Bien entendu, la Sagesse ne s’exprime point sans son corollaire, l’Amour, car si la Sagesse consiste à avoir une parfaite connaissance et une parfaite compréhension de l’ensemble des lois divines dans leurs différents modes d’expression, seul l’Amour permet de les mettre en oeuvre : la Sagesse sans l’Amour dessèche l’âme, et l’Amour sans la Sagesse est pure folie.

On peut maintenant se demander comment nous devrions nous préparer pour pouvoir bénéficier de l’une ou l’autre de ces formes d’illumination, et quels en sont les signes annonciateurs.

La préparation repose sur deux axes complémentaires : le développement personnel et le service. Tous les écrits mystiques sont unanimes pour reconnaître qu’en matière de développement personnel, la meilleure préparation consiste à mettre en pratique encore et toujours, et autant que possible au quotidien, les techniques ésotériques de base dont, parmi les plus importantes, la méditation et la prière. Il s’agit en fait d’outils fondamentaux destinés à nous permettre de rétablir le dialogue avec notre Moi intérieur, de mettre en place un canal permanent de communication avec lui, et de lui permettre de reprendre le statut royal qui lui revient de droit et que notre ego a usurpé.

Quant au service, le second axe, il demeure la seule loi permettant un développement harmonieux susceptible de déboucher sur une illumination, même partielle. Tous ceux qui ont fait l’expérience de l’Illumination – et les témoignages à ce propos sont nombreux – ont été amenés au fil du temps à s’intéresser beaucoup plus au bien-être et au bonheur des autres qu’à leur propre bien-être. Ils ont mis de côté leur ego et dans un détachement de plus en plus net se sont attachés à aider les autres ; étant entendu que le service peut et doit s’effectuer sur les deux plans matériel et spirituel, et doit être vécu non comme une obligation qui lui retirerait tout impact positif sur celui qui le réalise, mais comme un plaisir résultant de la joie intérieure que l’on éprouve à aider.

En ce qui concerne les signes annonciateurs, il serait difficile de les exposer ici en détail. Contentons-nous d’en signaler quelques-uns parmi les plus pertinents : rêves initiatiques répétés, intuition accrue, perception psychique d’événements en cours ou sur le point de se réaliser, nuit obscure, opportunités de service à un niveau plus large, etc.

Les signes d’une illumination

Paradoxalement, celui qui bénéficie de cet insigne privilège n’en est pas toujours conscient objectivement. Par contre, au niveau de l’âme, l’expérience ainsi réalisée est définitive et en fait désormais partie intrinsèque. Elle débouche sur un nouveau champ de développement à l’horizon infi ni. Certes le mystique bénéficiant d’une illumination non perçue objectivement pourra constater au fil des jours et des semaines certains changements en lui-même comme par exemple : une amélioration très nette de sa condition physique ; une intuition accrue ; une plus grande propension à la tolérance ; une meilleure capacité à comprendre les situations qui se présentent à lui ou par empathie à mieux appréhender les expériences des autres lui permettant ainsi de les aider au mieux ; une paix intérieure inébranlable lui permettant d’aborder dans les meilleures conditions les situations les plus difficiles ; la certitude intérieure que toute son action doit désormais passer par le service ; etc.

Cependant, il n’associera pas toujours ces changements à son expérience d’illumination dans la mesure où, objectivement, il se peut qu’il n’en ait pas eu conscience. Par contre, pour celui qui en est conscient, sa responsabilité s’avère plus grande, car il a compris, et il lui est alors possible de mieux développer ses potentialités et d’avancer plus rapidement sur le Sentier. Comment ? En se mettant totalement et dans la plus parfaite humilité à la disposition du Divin et, ce faisant, en se vouant corps et âme au Service avec comme unique boussole la loi d’Amour. Ces êtres conscients de leur illumination, même modeste, constituent des âmes d’exception, des êtres d’avantgarde qui sont appelés à être des artisans de paix et des vecteurs de la justice divine.

Ces précisions étant faites, il faut bien comprendre que l’Illumination, à moins d’être totale, est comme une graine déposée au creux de notre coeur, destinée à croître avec le temps, à fleurir et à donner le maximum de fruits. Elle fixe de manière pérenne et une fois pour toutes l’idéal à atteindre. Ce n’est plus le concept subjectif que nous imaginions à partir de nos lectures ou de notre désir imprécis et qui nous tenait auparavant lieu de boussole. Il s’agit plutôt d’une situation pleinement ressentie et vécue, souvent durant quelques minutes, quelques heures, et même durant quelques jours ou quelques semaines, voire dans certains cas quelques mois, et dont le souvenir perdurera en nous de manière négative comme un manque mais aussi et surtout de manière positive comme facteur motivant chaque fois que nous aurons tendance à fl ancher ou à abandonner notre quête, jusqu’à ce que nous puissions un jour atteindre la Grande Illumination, l’Illumination divine encore appelée Conscience christique ou Conscience cosmique, et faire de cet état connu et vécu antérieurement, mais de courte durée, un état permanent.

Connaître une expérience d’illumination – consciente ou inconsciente – ne serait-ce que partielle, même brièvement, développe en nous une attitude positive face aux épreuves et expériences de la vie, et est toujours source de joie sur le Sentier, de confiance ultérieure inébranlable dans l’application des Lois divines, de renouvellement de l’être sur tous les plans, de pleine compréhension de notre place dans l’univers, de confirmation de notre immortalité, de paix profonde dans notre vie au quotidien. Elle permet de plus – et c’est peut-être là son plus important impact et son plus grand pouvoir – de vivre réellement l’expérience de l’Amour en tant qu’énergie universelle, fondement de la Création visible et invisible.

Il ne s’agit alors plus d’un concept abstrait, mais d’une réalité perçue intimement et objectivement en tant que vibration, essence de la Création, et vécue au quotidien : plus rien alors n’est mauvais, plus rien n’est laid, plus rien n’est inharmonieux ; tout au contraire est une expression à un niveau ou à un autre de l’Amour divin : tout est bien, tout est beauté, tout est harmonie dans le sens le plus élevé de ces termes. Non pas que le mal que nous véhiculons malgré nous, la laideur de certains de nos actes et les émotions négatives que nous pouvons entretenir n’existent plus. Ils disparaissent simplement sous le projecteur puissant de l’Amour divin. Ils n’ont plus le temps d’exister pour celui qui est dans la Lumière, car ils ne sont pas : l’ombre et les ténèbres disparaissent ipso facto en présence de la Lumière. Toute différence s’estompe quand la Lumière éclaire. Il n’y a plus lui, moi, eux, vous ; il y a seulement le nous qui est le Soi. Plus de divisions, de heurts, de vaines tentatives de suprématie, plus d’egos. Seule demeure la source lumineuse qui est amour dont nous sommes, dont nous provenons et vers laquelle nous tendons.

Le souvenir de l’expérience vécue nous hante, nous dévore ou mieux nous consume. Il maintient en nous le brasier ardent du désir afi n que rien de moins qu’une pleine fusion avec la Lumière et l’Amour divins soient à même de l’assouvir. À chaque fois que nous faiblissons, que nous avons tendance à fl ancher, à abandonner, ce souvenir se fait jour dans notre mental et dans notre être. Nous le revivons dans toute son intensité et sa vérité, et il nous procure force, confi ance et espoir. Il ravive notre fl amme intérieure qui se fait plus lumineuse, il impulse en nous de la détermination, il ancre notre action dans le service et nous débarrasse des convoitises liées à l’ego. Il se fait boussole et nous conduit, par-delà les sentiers escarpés et dangereux du doute et de l’incertitude, sur la Voie balisée, éclairée et sûre de la Connaissance, de la Compréhension et de la Sagesse ; Voie royale qui débouchera immanquablement, au moment où l’on s’y attendra le moins, sur le domaine infini de la Grande Illumination ! Puisqu’il a été question du détachement dans la recherche de l’Illumination, il serait bon de conclure en soumettant à votre méditation ces quelques réflexions sur cette même note.

Le Détachement

La vie est un rêve. L’homme incarné se trouve sur cette Terre tel un rêveur, à la fois spectateur et acteur. Il peut se laisser guider par le destin ou agir en utilisant son libre arbitre. De toute façon, il a la capacité de faire de ce rêve soit une expérience insipide, soit un voyage magique rempli de surprises de tous types, soit encore un tourment. Il peut aussi, à un niveau plus élevé, s’éveiller et observer la vie de loin, à distance, tel un créateur de films, observant son oeuvre et sachant à l’avance tout ce qui va se passer, au courant de toutes les difficultés qui par conséquent ne sont plus, et également des moments de joie qui de la même manière n’ont pas de réalité en soi.

Partie de ce théâtre universel, l’homme ne se rend pas compte de la réalité des choses. Il agit sur la scène du monde selon le texte écrit depuis le commencement des temps jusqu’à ce qu’il se détache et s’éveille, se transformant ainsi à la fois en spectateur et en metteur en scène. De cette manière seulement et en même temps, il perçoit et vit les choses sans être sous leur influence. Il se transforme également en acteur vivant tout mais sans être influencé par rien, parce qu’en se détachant il arrive à comprendre le début et la fin de tout, le pourquoi des choses et la raison de son incarnation : l’éveil ! Ô sublime liberté qui ne s’obtient que par le détachement des choses et qui, d’une étrange manière, nous lie indissolublement à tout ! N’être attaché à rien ni à personne, n’avoir besoin de rien ni de personne, ne rien chercher, ne s’attendre à rien ni rien attendre de personne, de cette manière seulement nous pouvons vivre libres et faire partie en conscience du Grand Tout.

Se détacher de tout – mais sans tristesse parce qu’ainsi le lien continue d’exister, et avec compassion, évitant ainsi de ne rien ignorer ni d’ignorer personne – est la clé de l’éveil et de la prise de conscience de l’unité du tout, l’unité divine qui toujours est, mais que nous ignorons la plupart du temps en tant que rêveurs.

Ô divin détachement, source de joie, de paix, d’amour et de félicité. Ton apprentissage est difficile. Tu requiers beaucoup d’efforts pour surmonter les désirs de l’ego et des sens, et beaucoup de larmes pour guérir les blessures qui en résultent. Mais que c’est beau quand nous y arrivons. L’on se sent en communion avec tout ; la colère n’a plus sa demeure en nous ; l’amour s’écoule de nous, le bonheur nous entoure ; la joie se transmet ; et la paix, la vraie paix profonde devient permanente. Nous ne faisons qu’un avec le Grand Tout, et l’Unité de Dieu se trouve en nous. Mais quel long et diffi cile chemin ! Chaque combat contre notre ego, contre nos sens, contre nos envies nous blesse. C’est comme si nous étions dans un processus de mue permanente, impliquant au-delà de la peau la mue du corps tout entier jusqu’à ce nous atteignions une régénération totale et que nous devenions un Homme nouveau. Mais quelle joie après chaque combat remporté !

Peu à peu, nous atteignons une paix qui se fait de plus en plus profonde avec le temps, et un jour, sans nous y attendre, nous nous éveillons ! Quel état magnifique ! Être définitivement Un avec le Tout. Se rendre compte que nous l’avons toujours été, et que seul le détachement pouvait provoquer l’éveil vrai et l’ultime prise de conscience. Ainsi, dorénavant vivrons-nous dans le monde mais nous ne serons plus du monde. Nous aurons toujours face à nous ce triangle resplendissant, celui du Détachement, de l’Éveil et de la Paix Profonde, dont le centre a été, est et toujours sera l’Amour ! »